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Le 11 novembre : une commémoration unanime ?

Le 11 novembre a joué un rôle indéniable dans la mémoire de la Grande Guerre et dans la consolidation de la République. Comme le note Antoine Prost, « les manifestations du 11 novembre ne sont donc pas d'abord patriotiques mais républicaines » et elles contribuent à fonder un « culte républicain », le seul, toujours selon le même auteur, qui « ait réussi et qui ait suscité une unanimité populaire » (12).
Pourtant, comme on va le voir, cette unanimité eut ses limites : le 11 novembre ne devint une fête nationale fériée (loi du 24 octobre 1922) qu'après une forte tension entre les anciens combattants et les autorités de la République.


Les anciens combattants contre les autorités

La discorde éclate à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 1921 car la chambre des députés et le Sénat (il s'agissait de la chambre dite « bleu horizon ») venaient de décider de reporter la célébration du souvenir de l'armistice au dimanche suivant (le 13 novembre), alors que les deux années précédentes, le 11 novembre avait été chômé. A Troyes, comme dans toute la France, la Ligue des combattants (13), conduite par son énergique secrétaire général, Georges Manier, boycotte la cérémonie du 13 novembre qui ne réunit que les troupes de la garnison et les autorités locales (le préfet et le député Alexandre Israël) (14). En revanche, les anciens combattants participent, comme il est de coutume depuis la fin de la guerre, à une cérémonie au cimetière, le jour de la Toussaint et fêtent le troisième anniversaire de l'armistice, le vendredi 11 novembre.

L'émotion des anciens combattants est perceptible dans les discours : pour Georges Manier « il semblerait que l'on veuille faire le silence sur tout ce qui touche à la guerre et rappelle la dette de reconnaissance du pays envers ceux qui ne  l'ont pas faite mais qui ont grandi et prospéré à l'abri du rempart fait sur les champs de bataille par le cadavre des morts et nos poitrines supportent mal d'entendre parler d'elle. Craindrait-on que la voix du combattant se fasse trop puissante en cette journée ? » (15).

L'instauration du 11 novembre par la loi de 1922 calme la rancœur des anciens combattants, qui restent néanmoins vigilants.

(12)  Antoine PROST. « Les monuments aux morts. Culte républicain ? Culte civique ? Culte patriotique ? », in Pierre NORA (sous la dir. de). Les lieux de mémoire. / La République, Paris Gallimard. 1984. p. 214-215.
(13)  La Ligue des Combattants de la Guerre du département de l’Aube était présidée par le député Berthélemot (député de l'Aube de 1919 à 1924). Le secrétaire en était Georges Monier, chef de bureau à la Préfecture.
(14)  Le Petit Troyen. 15 novembre 1921.
(15)  Discours de M. Manier à la réunion de la Ligue des Combattants. 11 novembre 1921. in Le Petit Troyen. 12 novembre 1921.

Par Olivier Pottier